Né le 27 novembre 1910 à Valence, Louis Saillant fit, très jeune, l'apprentissage des luttes ouvrières, aux côtés de son père, et fut particulièrement frappé par les grèves de 1920. Apprenti sculpteur sur bois, il adhéra en 1926 au syndicat de l'Ameublement de Valence ; en 1929, il accéda à la commission exécutive de l'Union départementale CGT confédérée. Délégué régional de la Fédération du Bois pour le Sud-Est, il devint secrétaire adjoint de l'Union CGT Drôme Ardèche en 1931 et son secrétaire permanent en juillet 1933. Lors de la réunification des syndicats CGT et CGTU de Drôme Ardèche survenue le 15 décembre 1934, Louis Saillant fut élu secrétaire général de l'Union départementale.
Très actif durant les grèves de 1936, il fut appelé à Paris en mai 1937 au secrétariat de la Fédération du Bois et remplacé à la tête de l'Union départementale Drôme-Ardèche par Charles Doucet ; mais à la mort prématurée de ce dernier, il fut remis à la disposition de l'Union. Ce fut alors qu'à la tête d'une manifestation, il fut matraqué par un agent puis poursuivi et condamné à deux mois de prison. Le 21 novembre 1938, il fut contre "la formule de l'anticommunisme que cherchent à introduire au sein de la CGT les partisans de la division du monde du travail". Il s'opposa également à la formule "Plutôt la servitude que la guerre" et condamna la politique des gouvernements Pierre Laval et Edouard Daladier "qui ont livré l'Ethiopie et la Tchécoslovaquie". Il se prononça en faveur "d'une politique de fermeté qui n'est pas une politique de guerre mais la seule capable de faire reculer les dictatures".
Louis Saillant fut mobilisé à Lyon, en 1939, dans la cavalerie comme soldat de 2e classe. Le 19 juin 1940, son peloton de cavalerie fut cerné par les Allemands dans un petit village des Monts du Lyonnais, Thurins. D'après son témoignage, il aurait exhorté, en vain, les autres soldats à ne pas se rendre. Il fut démobilisé le 27 juillet 1940, à Vienne (Isère) et revint alors à Valence. Le 26 août 1940, il participa à une réunion à Sète, en présence de Léon Jouhaux – la réunion avait lieu chez ce dernier –, Georges Buisson, Marius Vivier-Merle, Robert Bothereau et Julien Forgues. Les bases d'une résistance syndicale furent alors jetées.
Louis Saillant rejoignit Paris vers le 15 septembre et se mit en rapport avec des syndicalistes. Il fut l'un des signataires du Manifeste des douze, lancé le 15 novembre 1940 et signé du Comité d'études économiques et syndicales (CEES), réplique à la dissolution des centrales syndicales CGT et CFTC.
Dès l'automne 1940, un premier contact avait été établi entre Benoît Frachon et Louis Saillant, par personne interposée. La réunion s'était tenue au siège de la Fédération du Bois ex-CGT. Elle resta sans lendemain. Le 17 mai 1941 eut lieu, toujours à Paris, rue de Verneuil, une réunion à laquelle participèrent deux représentants de Frachon, René Bontemps et Maurice Langlais, d'une part, et Charles Laurent, Christian Pineau, Pierre Neumeyer et Louis Saillant d'autre part. Les ponts restèrent cependant coupés entre les frères ennemis du syndicalisme français.
Saillant continua d'œuvrer au sein de Libération-Nord. Il participa aux débuts de l'édition et de la diffusion du journal Libération. Il contribua dans le même temps à établir deux sièges pour la CGT clandestine : l'un au 122 avenue Philippe Auguste, où se tiendront plus tard les dernières séances du CNR, et l'autre au 220 Faubourg Saint-Antoine, siège du syndicat du Bois. Par ailleurs, Louis Saillant effectua des déplacements sur le territoire français, franchissant à plusieurs reprises la ligne de démarcation, pour établir des contacts et travailler à la reconstitution de la CGT. Ils s'accordèrent notamment sur la nécessaire représentation des syndicats au sein du Conseil.
Avec les communistes, le dialogue reprit le 22 septembre 1942, lorsque l'unitaire Raymond Semat rencontra Léon Jouhaux assigné à résidence à Cahors : Louis Saillant semble avoir joué un rôle important dans la préparation de cette entrevue. Raymond Semat transmit à Léon Jouhaux des propositions concrètes concernant un appel qui devait recevoir la signature de Frachon et Jouhaux et être publié. L'appel comportait des revendications sociales et des exhortations à renforcer l'action résistante (sabotages, maquis…). Proposition était également faite par Benoît Frachon, de reconstituer la CGT sur la base de la situation de 1939. Mais Léon Jouhaux, non clandestin et hostile à l'action armée, refusa de signer l'accord. Les débats se poursuivirent sur cette question jusqu'aux Accords du Perreux, du 17 avril 1943.
Après la publication de la Charte du travail en octobre 1941, le CEES fit porter ses critiques sur la conception syndicale qu'elle entraînait, tout en préconisant une politique de présence en son sein ; cette distinction — critique de la Charte et défense de la politique de présence — resta valable jusqu'au mois de juin 1943 où elle fut défendue dans un texte signé par Louis Saillant.
Louis Saillant fut avec Robert Bothereau, Henri Raynaud et André Tollet, signataire des accords du Perreux (17 avril 1943), réorganisant la CGT clandestine. Cet accord se réalisa dans un pavillon, (9 rue du Stade, au Perreux), appartenant à Henri Fristch, père de Janine Fritsch, la femme de Louis Saillant. Henri Fristch, menuisier, était alors sympathisant communiste et devait adhérer au PC à la Libération ; cet entourage contribua-t-il à expliquer l'évolution ultérieure de Louis Saillant et son rapprochement avec les unitaires ? Avec Benoît Frachon, André Tollet et Henri Raynaud, Louis Saillant participa à la rédaction de la plate-forme revendicative proposée par les unitaires. Toutefois, cette unité resta imparfaite, notamment sur le plan financier.
En tant que responsable national de l'ex Fédération CGT du Bois, Louis Saillant adopta dès lors une position plus radicale à l'égard de la Charte du travail : en novembre 1943, il appela les représentants fédéraux à ne pas s'associer "dans quelque organisme que ce soit" à la constitution de syndicats uniques. Fin 1943, les contacts entre les syndicalistes du courant confédéré et le régime étaient définitivement rompus.
Jean Moulin entra en relation avec la CGT en 1942. En octobre 1942 eut lieu à Paris une réunion entre Henri Manhès, Pierre Meunier et Louis Saillant. Lors de cette rencontre, l'action des ouvriers dans les usines (sabotages, grèves) fut évoquée. Manhès offrit également, au nom de Jean Moulin, une subvention à la CGT pour lui permettre d'intensifier son action. Une série d'entrevues entre Saillant et Manhès contribua à la préparation de la création du CNR.
Le 27 mai 1943, Louis Saillant fut désigné pour représenter la CGT au Conseil national de la résistance (CNR). Au mois de septembre suivant fut édité par la GGT un "Programme d'action d'après-guerre", qui influença, d'après Saillant, le texte définitif du programme du CNR.
A la Libération, Louis Saillant assura avec Benoît Frachon le secrétariat général de la CGT, en attendant le retour de Léon Jouhaux qui, déporté arriva en France le 8 mai 1945. Puis, Louis Saillant fut, à l'unanimité, désigné à la présidence du CNR, le 10 septembre 1944. Le 4 novembre 1944, avec André Tollet, il présida un meeting de protestation contre la dissolution des milices patriotiques. Puis, Louis Saillant fut délégué à l'Assemblée consultative provisoire 1944-1945, au titre du CNR ; il y présida le groupe de la Résistance intérieure française et la Commission de la production industrielle et de l'équipement qui eut à s'occuper des nationalisations.
Toujours secrétaire de la CGT, délégué par elle au congrès des Trade Unions Congress (TUC) britanniques à Brighton, il y noua alors des contacts avec le dirigeant des syndicats soviétiques V. Kouznetzov et aboutit à la tenue du premier congrès syndical mondial (Paris, 26 septembre-8 octobre 1945) puis à la création de la Fédération syndicale mondiale (FSM) dont il fut le secrétaire général, de sa création à 1968.
Au moment de la scission syndicale, Louis Saillant joua un rôle important ; lors du Comité confédéral national des 12-13 novembre 1947, il signa la "Déclaration, Jouhaux" mais il rejoignit la majorité sur le vote de la motion internationale. Il resta à la CGT, en fut secrétaire et se consacra à la Fédération syndicale mondiale.
Le 21 août, il condamna sans réserves l'entrée des forces du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie et il réitéra cette condamnation quelques jours plus tard. Frappé d'un infarctus le 29 août 1968, il dut abandonner ses fonctions et fut fait Président d'honneur de la FSM tout comme il l'avait été du Conseil mondial de la paix.
Louis Saillant mourut le 28 octobre 1974 à Paris.
Source : Michel Dreyfus, "Louis Saillant" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Traduction : Gabrielle Ciceri