Pierre Neumeyer est né le 17 janvier 1878 à Saint-Dié (Vosges). Après des études secondaires, Pierre Neumeyer entra dans l’administration des Douanes où il fut vérificateur puis contrôleur.
Il appartenait au syndicat des Services sédentaires des Douanes (services administratifs), constitué en 1905 sous le titre d’Union générale. Cette union à l’orientation modérée participa, en 1908, au Comité d’études des Associations professionnelles de l’État, des départements et des communes, qui envisageait alors d’obtenir du parlement un statut favorable. En 1909, elle approuva la création de la Fédération nationale des fonctionnaires qui revendiquait le droit syndical. Au congrès de 1913, Charles Laurent et Pierre Neumeyer déclarèrent que l’entrée à la CGT n’était pas à l’ordre du jour mais que les syndicats pouvaient y adhérer individuellement.
En 1914, Pierre Neumeyer était secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des fonctionnaires, aux côtés de Charles Laurent, dont il resta le fidèle second jusqu’à la Libération. En 1917, Neumeyer, malade, fut envoyé en inspection en Suisse pour deux ans. En août 1919, il reprit sa participation à la Tribune du fonctionnaire et, en octobre 1919, il fut élu, ainsi que Michel Piquemal, secrétaire adjoint de la fédération. Ils demandèrent leur détachement mais la répression de 1920 interdit tout syndicat chez les fonctionnaires. La Fédération nationale des fonctionnaires décida cependant son entrée à la CGT lors de son congrès de mai 1920.
La crise interne que traversait alors la CGT ne facilitait pas le renforcement des syndicats de fonctionnaires, menacés de dissolution en 1920 et plus ou moins tolérés en 1921. Face à la scission, le conseil fédéral du 15 janvier 1921 décida, à l’unanimité, de cesser provisoirement la prise des cartes et des timbres à la CGT. En février 1921, la fédération s’installa à la Maison des syndicats de fonctionnaires (à l’angle des rues de Lille et de Poitiers), mais les secrétaires devaient assurer les permanences après les heures de service. La maison était propriété d’une société civile immobilière constituée par Laurent, Neumeyer et Danglard, du service technique des Ponts et Chaussées.
Pierre Neumeyer avait adhéré au Parti socialiste SFIO après son service militaire. En 1930, la préfecture de police le fichait toujours comme socialiste dans le XIXe arrondissement, mais il ne prenait sans doute plus sa carte. Alors que Charles Laurent avait pris ses distances à l’égard de la SFIO pour se consacrer uniquement au syndicalisme, Neumeyer en resta toujours très proche. Tous les deux étaient des familiers de Léon Blum.
Pierre Neumeyer soutint fermement Ch. Laurent face aux attaques de plus en plus vives de la minorité menée par Michel Piquemal du syndicat des Contributions indirectes, proche du Parti communiste et de la CGTU. La quasi-reconnaissance des syndicats de fonctionnaires par le Cartel des gauches en 1924 permit à la fédération de se développer et de s’implanter définitivement dans toutes les administrations. Quatre secrétaires permanents (dont Laurent et Neumeyer) obtinrent leur détachement, sans traitement, à la fédération, mais cet arrangement fut remis en cause par le gouvernement en 1928. Neumeyer suivait tout particulièrement le problème des traitements et des retraites, dont il rendait régulièrement compte dans la Tribune. Il fut l’infatigable artisan de la cohésion, sachant toujours "arrondir les angles", alors que Laurent était d’un tempérament plutôt cassant.
Dans son rapport au congrès de décembre 1926, Neumeyer déclarait qu’il était "logique, rationnel et inéluctable que les syndicats de fonctionnaires rejoignent les syndicats ouvriers au sein de la CGT" et dénonçait les "chefs de l’opposition dont les sympathies pour la CGTU et le Cartel unitaire ne font de doute pour personne". Après un congrès mouvementé, le principe du retour à la CGT fut adopté par 432 voix contre 226. La minorité, représentant environ 33 000 adhérents sur un total de 220 000 membres, décida de rester dans l’autonomie, car l’ensemble de ses adhérents n’étaient pas prêts à entrer à la CGTU.
Charles Laurent et Pierre Neumeyer siégèrent dorénavant au bureau confédéral. Neumeyer eut, en particulier, à mettre au point les nouvelles structures de la fédération au sein de la CGT. En effet, certains, parmi les enseignants, souhaitaient constituer une fédération d’industrie directement rattachée à la confédération. Après plusieurs années de discussions, la Fédération des fonctionnaires se structura en six fédérations internes : Enseignement, Finances, Travaux publics, Air-Guerre-Marine, Administration générale et Économie nationale. Elle prit, en 1930, le titre de Fédération générale et, l’année suivante, la Tribune du fonctionnaire s’intitulait "des fonctionnaires". Il fut membre suppléant du Conseil national économique de 1925 à 1931.
Le début des années 1930 fut marqué par de vives protestations contre la déflation qui attaquait les traitements et retraites. Neumeyer envisageait l’action directe si tous les moyens de conciliation étaient épuisés. Des meetings furent organisés par le Cartel des services publics CGT ; le 20 février 1933, un arrêt symbolique du travail de quelques minutes fut observé dans de nombreuses administrations ; en décembre, les syndicats de fonctionnaires manifestèrent devant le Sénat et la police opéra 150 arrestations dont celles de Neumeyer, Delmas et Baylot. Malgré les appels répétés de Laurent et Neumeyer en faveur d’une grève, les fonctionnaires hésitaient et se contentèrent de manifestations le samedi ou le dimanche. La grève qui éclata le 12 février 1934 n’était pas corporative, mais pour la défense des libertés publiques. Laurent et Neumeyer furent les premiers surpris de ce succès. En avril 1934, les arrêts de travail limités qui eurent lieu dans les PTT, les Finances et les Tabacs, furent suivis de sanctions.
À partir de 1931, des discussions s’étaient ouvertes avec la Fédération minoritaire autonome en vue de l’unité. Après de nombreuses polémiques, la fusion se fit à la fin de 1935. En février 1936, Neumeyer se prononça très fermement pour l’indépendance du mouvement syndical et contre le cumul des fonctions de direction dans les partis et les syndicats ; cependant la Fédération des fonctionnaires soutint activement la constitution du Rassemblement populaire. Durant toute cette période, Laurent et Neumeyer appuyèrent la politique de Léon Jouhaux pour une attitude de fermeté à l’égard de l’Allemagne.
Bien que la grève de novembre 1938 n’ait pas été une réussite, dans les administrations comme ailleurs, Neumeyer se félicita que le mouvement ait été lancé. En février 1939, il envisagea d’abandonner la vie militante pour prendre sa retraite, mais les circonstances en décidèrent autrement.
En octobre 1940, les syndicats de fonctionnaires furent dissous. Neumeyer et R. Lacoste suivirent Léon Jouhaux dans le Midi jusqu’à la dissolution de la CGT et de la CFTC en novembre 1940. Laurent et Neumeyer entrèrent alors dans la clandestinité et furent parmi les premiers résistants de Libération-Nord, dont ils devinrent, l’un après l’autre, trésoriers. À la fin de l’Occupation, Neumeyer vivait caché dans une pouponnière à Antony (Seine).
En septembre 1944, le bureau de la Fédération des fonctionnaires fut reconstitué avec Laurent et Neumeyer, qui étaient également délégués à l’Assemblée consultative provisoire. Neumeyer siégea, par ailleurs, au bureau confédéral de la CGT jusqu’en décembre 1947.
Dès 1944, Neumeyer avait participé au journal Résistance ouvrière qui avait son siège à la Maison des fonctionnaires, 10 rue Solférino. Neumeyer, Le Léap (Fédération des Finances) et Lavergne (Fédération de l’Enseignement) continuèrent à écrire dans le journal devenu Force ouvrière en décembre 1945. Neumeyer y rendit régulièrement compte des questions de traitements dans la fonction publique. Il fut également secrétaire du Cartel des Services publics, où la majorité était favorable au courant Force ouvrière. En 1946 et 1947, le Cartel prit souvent des positions opposées à celles de l’UGFF (nouvelle structure de l’ancienne Fédération des fonctionnaires), dont le secrétaire général, depuis le congrès de mars 1946, était Alain Le Léap, de plus en plus proche de la tendance communisante.
Pierre Neumeyer quitta la CGT en décembre 1947 avec Force ouvrière pour créer la CGT-FO. Chez les fonctionnaires, en dehors des postiers qui se divisèrent et des enseignants qui choisirent l’autonomie, une majorité de syndicats (notamment aux Finances et aux Travaux publics) opta pour FO. Ils s’installèrent au 78 rue de l’Université et, dès mars 1948, paraissait la Nouvelle tribune des fonctionnaires, postiers et retraités. Les fédérations de fonctionnaires reconstituées s’allièrent avec la Fédération syndicaliste des PTT-FO dans un comité interfédéral dont le secrétaire général était Pierre Neumeyer, par ailleurs trésorier confédéral de Force ouvrière. À la fin de 1953, les PTT reprirent leur autonomie et une Fédération générale des fonctionnaires fut constituée en 1954 avec Pierre Tribié comme secrétaire général.
Pierre Neumeyer prit alors sa retraite avec le titre de président de la Fédération générale des fonctionnaires.
Il fut membre du Conseil économique de 1954 à juin 1959 (travailleurs CGT-FO).
Marié et père d’un enfant, Pierre Neumeyer est décédé le 1er février 1960 à Paris.
Décorations : Officier de la Légion d’honneur et médaillé de la Résistance.
Source : Jeanne Siwek-Pouydesseau, " Pierre Neumeyer ", site Internet Maitron-en-ligne